Fernand-Marius né en Septembre 1857 à Alès devient ajusteur à 19 ans. Son père est mineur de houille au puits de La-Jasse près de la Grand-Combe.
Fils unique (seul enfant survivant), ils sont logés dans un grand bâtiment au confort rudimentaire de la Compagnie minière.
A cette époque le service militaire faisait l’objet d’un tirage au sort : 5 ans pour les malchanceux ou un an seulement pour les plus fortunés (trop souvent au sens littéral du terme !). A ses vingt ans Fernand, a soif d’aventure. De toute façon il n’échapperait pas aux 5 ans du tirage au sort. Alors il préfère prendre les devants et s’engager comme volontaire dans l’armée pour 5 ans. Il sera payé et verra du pays si un conflit éclate. Il n’a jamais vu la mer ! Vu sa formation dans la mécanique, il choisit, les volontaires le peuvent, de s’enrôler dans la marine de Toulon dont les vaisseaux marchaient alors à la vapeur.

Il est incorporé le 19 Février 1878 dans les Equipages de la Flotte comme apprenti-mécanicien. C’était un corps de marins professionnels qualifiés, créé pour assurer le fonctionnement des navires de guerre.

La photo ci-dessus est celle de Fernand-Marius en costume de marin. Il n’y est pas trop à son avantage physiquement, mais sans doute avait-il d’autres atouts de séduction !
Toulon avec ses boites à marins et ses distractions multiples était un changement radical avec l’environnement austère et pollué de Chamborigaud et de la Grand-Combe .
En Aout 1882, quelques mois avant la fin de son service actif, il obtient un congé renouvelable, soi-disant pour affaires personnelles à régler dans le Gard. C’était alors une pratique courante et tolérée. En fait il s’installe à Toulon.

C’est à cette époque qu’il tombe amoureux de Marie-Antoinette Bize qui vivait avec ses parents près du port, Place Gustave-Lambert (ex. Place du Vieux Palais). Marie-Antoinette ne fréquentait sûrement pas les bars à matelots de la basse-ville. Alors comment se sont-ils rencontrés ?
L’explication apparait dans l’acte de mariage : Fernand-Marius et Marie-Antoinette vivaient tous deux au n°2 de la Place du Vieux Palais ! Fernand-Marius, après sa demande de congés renouvelables, avait donc loué la chambre de bonne sous les toits de l’immeuble des parents Bize, et il a côtoyé la jeune et belle Marie Bize qui vivait chez ses parents, pendant quelques mois, puis il leur a demandé sa main.
NB : La longue liste des collègues de Fernand-Marius, témoins à son mariage, qui résident tous à différents numéros de la Place du Vieux-Palais, montre que les chambres de bonne de tout le quartier devaient être louées par de jeunes marins.
Le recensement de 1881 ne mentionne pas encore Fernand-Marius dans les habitants de la maison, ce qui confirme cette chronologie.
Fernand-Marius épouse Marie le premier avril 1883 et lui fait un fils (ce n’est pas une blague, ce sera Aimé). Mais il ne sera pas présent à sa naissance le 19 février 1884. Pourquoi ?
A ce stade il y a deux hypothèses pour expliquer son absence et l’apparition des « chinoiseries » :
La première est que le 25 janvier 1884, il ait été mobilisé dans le cadre de l’expédition du Tonkin, qui faisait rage à cette époque. L’inscription N.D. sur son carnet mentionnant simplement qu’il serait « Non-Disponible » pour des exercices militaires de routine des réservistes.
Il aurait survécu à la guerre d’autant plus facilement qu’il n’était pas destiné à participer aux combats à terre, mais plutôt de maintenir en état les machines du navire sur lequel il servait. Il aurait acheté quelques bibelots aux marins de l’Infanterie de Marine engagés directement dans les combats, qu’il aurait ramené pour offrir à sa famille.
A la fin de l’expédition du Tonkin, officiellement fin-décembre 1885, la Flotte revient à Toulon et il aurait attrapé le Choléra sur le bateau et serait mort à l’hôpital militaire de Ste-Anne à son arrivée, fin-Janvier 1886 (il fallait un mois complet de voyage pour rallier le Tonkin à Toulon à travers le tout-nouveau Canal de Suez, inauguré en 1869).
Les dates correspondent parfaitement, mais il est surprenant que le carnet militaire ne mentionne pas clairement sa participation à l’expédition du Tonkin !
La deuxième hypothèse est un peu plus tortueuse. Après son mariage, Fernand-Marius aurait décidé de partir avec sa femme faire fortune au Tonkin. Ils auraient donc acheté des billets pour le bateau du 25 Janvier 1884. Malheureusement l’accouchement tarde et Marie-Antoinette ne veut pas risquer d’avoir à accoucher sur le bateau. Fernand-Marius part donc tout seul, Marie le rejoindra plus tard !
La réussite professionnelle au Tonkin n’est pas non-plus au rendez-vous, et deux ans plus tard, Fernand-Marius renonce à ses projets et revient à Toulon. Il attrape le choléra sur le bateau et meurt en isolation à l’hôpital Ste-Anne le 26 Janvier 1886.
Avant de partir au Tonkin, il a dû prévenir les autorités militaires, qui ont donc noté dans son carnet militaire qu’il était en Non-Disponiblité de la marine (N.D.).
Pour conforter cette deuxième hypothèse, on verra un peu plus loin qu’il avait rencontré Victor Larue à l’arsenal pendant son service militaire. Celui-ci était parti au Tonkin vers la fin de son service et une fois démobilisé, était resté à Saïgon et avait fait fortune là-bas ! C’est peut-être cela qui a poussé Fernand-Marius à faire de même.
On se souvient, nous enfants, avoir entendu notre grand-mère parler de la mort par le scorbut d’un aïeul sur un bateau de guerre. Peut-être que le mot de choléra était tabou à ces époques de grandes épidémies meurtrières !
Le choléra asiatique était endémique au Tonkin, et le manque d’hygiène à bord des bateaux favorisait sa propagation. C’est officiellement confirmé par le fait qu’un an et demi plus tôt la grande épidémie qui a ravagé toute la France et l’Italie était partie de Toulon d’un marin venant du Tonkin.
Fernand-Marius meurt à l’hôpital maritime de Sainte-Anne où son décès a été constaté par le personnel de l’hôpital et noté sur les registres de l’état-civil de Toulon, sans la présence d’aucun membre de sa famille. Il était sûrement en isolation et Marie n’a donc pas pu le revoir ni lui parler. Il a dû être enterré rapidement dans le cimetière militaire de l’hôpital.

… Les signatures élégantes de Fernand-Marius et Marie-Antoinette :