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Le tour du propriétaire

samedi 3 mai 2025, par Gihelpe

C’est Edouard Hyppolite, le deuxième mari de ma grand-mère Augusta, qui acheta cette « Campagne » pour s’y installer plus tard avec sa nouvelle femme, et avec Louis et Fernand.
Le cadastre désignait autrefois comme « Campagne » une petite exploitation agricole (vinicole ici) incluant la maison des exploitants et les terres attenantes. Elle était située entre La-Seyne et Six-fours, dans la plaine en bordure de la forêt de Janas et au pied de la montagne du Mai. En fait c’est ce quartier de La Seyne tout-entier qui s’appelle les Moulières et pas seulement notre Campagne.

Ci-contre la campagne peu après son achat en 1932. La véranda n’est pas encore construite. Au milieu trône Edouard avec son cigare. Derrière, Louis Tremelet et sa femme Emma. Louis, mon père juste derrière Edouard. Tonton Fernand au premier plan. Augusta et sa soeur Elisa sont assises par terre. François Paxé est derrière l’objectif.
A droite, la maison deux ans plus tard. La véranda a été construite par mon père et son frère. Edouard est assis dans l’angle. Augusta et sa sœur Elisa sont debout à gauche. Le peintre Louis Tremelet et sa femme Emma sont assis devant la porte d’entrée. Poséidon, c’est mon oncle Fernand ! Derrière la véranda, il me semble distinguer la roue de secours qui était fixée verticalement à l’arrière de son bolide de course !

Le puits servait pour l’eau courante mais aussi pour arroser le petit potager, avec un grand bassin en tampon, rempli régulièrement avec une pompe électrique poussive munie d’une grande roue et une large courroie de transmission. Il fallait l’amorcer à chaque démarrage en gardant plein un petit réservoir d’eau qui se vidait au fur et à mesure ! Le bassin était le paradis des grenouilles et des araignées d’eau. Les dessins ci-dessous sont évidemment de mon grand-père Baptistin.
La pompe est dans le coffre maçonné, à droite du puits. On voit que la tôle en ferraille qui la protège de la pluie est repoussée vers l’arrière.
Parfois le Tonton mettait quelques bouteilles de vin dans un seau et les descendait avec la poulie jusqu’au niveau de l’eau pour les rafraîchir. Je crois qu’on y descendait aussi quelquefois le garde-manger grillagé avec les fromages et le lait.
Derrière le puits il y avait le grand lavoir en béton pour le linge.

Les toilettes étaient bien sûr à l’extérieur derrière la maison, sauf la nuit, où on utilisait des pots de chambre en acier émaillé. La petite cabane en briques était pleine de toiles d’araignées et de nids de guêpes bâtisseuses. Inutile de dire qu’on n’y allait pas par plaisir ! Pourtant on pouvait y lire le journal puis le froisser et le défroisser plusieurs fois avant de s’en servir pour autre chose. A côté, la grande fosse septique à ciel-ouvert était recouverte de tôles ondulées. On racontait qu’un jour il avait fallu la vider complètement pour récupérer une bague en diamant que ma mère y avait laissé tomber ! Je ne sais pas si c’était vrai et s’ils l’avaient finalement retrouvée.

La famille rapprochée, au grand complet vers 1945, pour les fiançailles de mes parents : De gauche à droite, François Paxé, Fernand, Emma et Louis Tremelet, Baptistin et Marie-Madeleine, Augusta, Marie Roumestant, Elisa Paxé et Marinette. Mon père Louis est derrière l’objectif.
Marie Roumestant la grand-mère de Tonton Mil le curé de Fourques, avait dû accompagner son petit-fils à Toulon dans le cadre de la cérémonie à l’église, des fiançailles.

Je m’en souviens comme si j’y étais encore. On entrait par la véranda très lumineuse avec, à gauche, une grande table allongée pour les grands repas de famille, le buffet pour la vaisselle, un grand canapé sous le miroir et un fauteuil capitonné. Tout le long de la partie vitrée, un banc maçonné permettait d’asseoir une partie des convives à la table. Au sol il y avait des carreaux de ciment colorés. De là on passait dans la cuisine sombre avec son évier en pierre et sa cuisinière à charbon en fonte. Une petite table ronde permettait de prendre les repas en comité restreint, au frais en été et au chaud en hiver. Je me rappelle de mémée qui me disait toujours « ne mange pas que le fricot, mange aussi le pain ! ». Au sol il y avait des tomettes rouges octogonales un peu branlantes.

Au fond, derrière une minuscule porte arrondie, démarrait le petit escalier en colimaçon en bois avec dessous, sa pile d’anciens romans-photos et autres Modes & Travaux, et tout en haut le réservoir d’eau du puits que le Tonton remplissait avec la pompe, et dont le trop-plein se déversait dans la cour à grand bruit. Cet escalier montait à la chambre où nous dormions, ma sœur dans le grand lit avec ma grand-mère et moi sur un petit canapé au pied de leur lit. Il y avait aussi la grande armoire à glace où on avait interdiction de se regarder trop longtemps de peur que le diable n’en sorte ! Il ne fallait pas non plus faire des grimaces devant cette glace car si par malheur la lune venait à « tourner » à ce moment-là on pourrait rester coincé comme ça pour toujours !! On y croyait dur comme fer.

A côté il y avait la petite chambre du tonton. Puis, passé l’autre escalier en béton en L qui descendait vers la cuisine, une chambre plus grande où dormaient mes parents. Cette partie de la maison a d’ailleurs été rendue indépendante par la suite, pour être mise en location. Ma mère racontait qu’un jour j’étais tombé dans cet escalier et que j’avais roulé jusqu‘en bas avec quelques bosses à la clef !

Sur le dessin de gauche, on voit les fenêtres des chambres à l’étage. Avant de refermer le petit fenestron sur la façade aveugle, le soir au moment de se coucher, on regardait longuement les deux phares à l’entrée du port de Saint-Mandrier qui clignotaient tour à tour rouge puis vert … A gauche la porte du garage avec la cuve à raisin et l’atelier.

Sur le dessin de droite, qui est la maison vue de dos, on voit à gauche la cage de l’escalier en colimaçon qui allait de la cuisine aux chambres. Dans la petite cour derrière la fenêtre de la cuisine il y avait un grill et une réserve de sarments de vigne à sécher. En lançant le barbecue, le Tonton y faisait griller les gros escargots verts qu’il trouvait dans les sarments, et on était obligés d’y gouter !
Au centre en haut, l’extension faite par mon père et Tonton au-dessus du garage-atelier, avec une porte donnant sur une petite passerelle en béton sans rambardes (en forme de Té blanc sur le dessin) par laquelle, après un quart de tour à droite, on pouvait descendre par une pente très douce, tout le long de la maison, jusqu’en bas. En fait c’est par cette levée artificielle de terre que le Tonton-Hercule remontait les cornues pleines de raisin avec les longues brouettes métalliques, pour les déverser dans la cuve maçonnée du garage en contre-bas à travers une trémie. La cuve était aussi accessible du cellier par une petite ouverture ronde, et un gros robinet pour récupérer le jus une fois fermenté.

Dans le cellier, à côté du grand pressoir à vis sans fin, il y avait une petite trappe au plafond, à laquelle on accédait avec une simple échelle. C’est dans ce grenier qu’on découvrit un jour le fameux trésor du Tonkin.
A droite, c’est le poulailler avec son toit en tôle ondulée et ses ouïes de ventilation. La cabane des toilettes au débouché de la passerelle n’est pas visible, elle doit être dans la végétation à gauche. Quand l’exploitation vinicole s’est réduite, puis arrêtée, le Tonton a construit un petit muret à angle droit devant la porte de la cabane pour nous empêcher d’aller jouer sur la passerelle pleine de dangers. On voit bien ce muret sur le croquis de Papy.

Perpendiculairement au poulailler, il y avait une petite construction de briques, avec une vingtaine de cages à lapins superposées, accessibles par la cour grillagée du poulailler où courraient des dizaines de poules blanches à crête rouge. Derrière les lapins, la cabane de la chèvre accessible par une petite porte vers l’extérieur. On y élevait la chèvre pour son lait.

Au fond du garage, il y avait un alignement de quatre ou cinq petites barriques posées à plat sur un berceau en bois. Tonton y faisait du vinaigre. L’odeur était terriblement agressive et tenace.

Portfolio

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